[RESUMÉ DES ÉDITEURS] Cet article présente les thèses de Poemas épicos : estratégias de leitura [Poèmes épiques : stratégies de lecture] (2013), qui montre que les catégories d’analyse appliquées à l’épopée depuis Aristote permettent parfaitement de décrire les poèmes épiques brésiliens, en particulier les poèmes contemporains. L’épopée est un genre encore très vivant au Brésil, où des poètes et de nombreuses poétesses écrivent et publient une masse d’œuvres originales, fondées le plus souvent sur des événements remarquables de l’histoire du Brésil. Alors même que leurs conditions de production et de diffusion sont extrêmement différentes (pas d’oralité, pas de réception large des textes, qui sont publiés en petit tirage), on peut y retrouver l’ensemble des traits qui ont paru définitoires à toute la tradition classique : présence de la proposition et de l’invocation, division en chants, présence concomittante du merveilleux et de l’historique, héroïsme épique, élaboration littéraire.L’importance pour la théorie de l’épopée en général est grande. D’une part, parce que le Brésil est l’un des rares lieux au monde où existe le sentiment que des textes épiques se créent encore de nos jours. D’autre part, parce que ce travail montre que ces textes, que les chercheurs non brésiliens ne considèreraient pas spontanément comme des poèmes épiques, correspondent parfaitement à la définition de l’épopée par les catégories de la théorie habituelle. La discussion passionnante à laquelle cette communication a donné lieu a montré la surprise des chercheurs européens et africains réunis pour cette Journée d’étude. On a là finalement le cas symétrique de ce qu’il est convenu généralement d’appeler l’“épopée moderne” (des textes qui semblent s’imposer comme étant “épiques” alors même qu’ils ne présentent pas ces traits classiquement tenus pour définitoires). Le Recueil Ouvert consacrera une rubrique permanente à ces problèmes de définition, pour contribuer à élaborer les traits que l’on peut tenir aujourd’hui pour définitoires et explorer les marges du genre.
[FROM THE EDITORS] Stemming from the book Poemas épicos: estratégias de leitura [Epic Poems: Reading Strategies], published in 2013, this article shows that the classic modes of analysis of epic poems since Aristotle are instrumental in describing Brazil's great production of epic poems even to the present day. These poems all begin with the “proposition” and an invocation to the Muse, are divided into cantos, mix the historic and the wonderful, underscore the heroism of their characters and show an elaborate literary construction. However, although these texts include all of the features held for centuries to be the typical characteristics of epic, the researchers assembled for the symposium failed to feel they qualified as "epics".The Recueil Ouvert in epopee.org will dedicate a permanent section to the discussion of the definition of epic, be it through the analysis of works in the margins of the genre or through the tentative establishment of characteristics relevant to modern epic.
Dans mon ouvrage Poèmes épiques : stratégies de lecture1, je propose une approche méthodologique née de ce que j’ai pu observer dans la réalité, du fait que la lecture des poèmes épiques se heurte à des obstacles de nature diverse : l’aversion face à une lecture réputée exigeante de poèmes longs et remplis de références ; l’idée – séculaire – que le genre épique serait anachronique et incompatible avec les besoins langagiers des temps modernes ; la connaissance lacunaire, enfin, qu’ont la plupart des enseignants à tous les niveaux, de ce type de production littéraire ainsi que de son évolution au fil du temps. À l’opposé de ce panorama négatif, la production épique a pourtant traversé les temps et elle est aujourd’hui plus vivante que jamais, peut-être en raison de l’énorme réservoir culturel que constituent les épopées. À ceux qui acceptent d’observer la production littéraire actuelle avec les moyens appropriés, elle offre d’innombrables possibilités de réflexion sur la manière dont l’histoire, le mythe et l’héroïsme furent et continuent à être relus par le texte épique.
Mon approche méthodologique se fonde sur la théorie de la “ sémiotisation épique du discours ” (1984) d’Anazildo Vasconcelos da Silva, avec lequel j’ai édité l’ouvrage História da epopeia brasileira en 20072, ainsi que sur des emprunts théoriques faits à Aristote, Bowra et Staiger3. Je propose une technique simple permettant d’observer les traits et les variations des poèmes épiques de toutes les époques, à condition de les observer en partant des caractéristiques fondamentales définissant le genre : la matière épique, la double instance de l’énonciation, le plan historique, le plan merveilleux, le plan littéraire et l’héroïsme épique. S’y ajoutent trois autres critères qui, sans être obligatoires, sont pour le moins indicatifs : la proposition, l’invocation et la division en chants.
Je me propose donc de présenter ici un condensé de mon approche en m’arrêtant sur la proposition épique, l’invocation, la division en chants, le plan historique, le plan merveilleux, le plan littéraire et l’héroïsme épique.
Qu’elle porte un titre ou non, qu’elle soit en vers ou en prose, mise en évidence ou intégrée dans le corps du texte, la “ proposition épique ” est une partie de l’épopée qui donne au je lyrique ou au narrateur la possibilité d’expliquer la matière que racontera l’épopée. En partant du principe de son existence, il est évident que la synthèse donnée à l’ouverture par la proposition revêt une importance significative, en indiquant notamment le rythme de la lecture.
Sous ses aspects divers, la proposition forme ainsi une sorte de rituel d’initiation à la lecture. Quand elle est objective ou visiblement référentielle, elle a principalement une fonction d’exposition ; quand elle est métaphorique ou symbolique, elle indique ou esquisse les aspects qui, au fil du texte, gagneront une densité sémantique. Enfin, quand elle est métalinguistique, elle met généralement en évidence le rôle de l’épopée comme expression culturelle. D’où ma proposition d’analyser l’introduction d’un poème épique en partant de l’observation des aspects suivants :
I. La proposition considérée du point de vue formel et en considérant son insertion dans l’épopée : (1) proposition non nommée intégrée dans le premier chant ;
(2) proposition nommée, mise en évidence et en prose ;
(3) proposition nommée, mise en évidence et en vers ;
(4) plusieurs propositions ;
(5) proposition dispersée ou fragmentée ;
(6) proposition absente.
II. La proposition considérée du point de vue thématique : (1) accent mis sur le fait héroïque ;
(2) accent mis sur la figure du héros ;
(3) accent mis sur le plan historique ;
(4) accent mis sur le plan merveilleux ;
(5) accent mis sur le plan littéraire ;
(6) accent mis sur plusieurs aspects à la fois (la matière épique d’un point de vue plus large).
III. La proposition considérée du point de vue de son contenu (1) référentiel
(2) symbolique
(3) métalinguistique
Même parmi les épopées postmodernes se trouvent des exemples de productions épiques qui font référence directement au modèle classique ou de la Renaissance, dont elles reprennent la forme classique de la proposition. Celle-ci expose l’intention explicite d’écrire une épopée, mais révèle également l’affiliation à la conception ancienne du genre. On prendra pour exemple l’épopée brésilienne Os Brasis de Francisco de Mello Franco4, qui dispose d’une proposition assez traditionnelle, mais qui n’est pas explicitée.
Ce poème est, par conséquent, un cas de proposition non nommée intégrée dans le premier chant (I, 1). Les cinq premiers vers du premier chant exposent la matière épique, situent et décrivent l’espace ciblé, puis annoncent l’héroïsme collectif d’un peuple (cf. II, 1) :
1Terra linda que atrai o sol ardente,
Vista5 que do oceano traz a vida,
Coberta pela manta comovente
Do verde, pelos morros estendida,
Nutrindo e protegendo, ternamente,
A fauna por deidades escolhida,
Cores que pintam paisagens sagradas,
Riquezas e belezas encantadas,
2
Com a flora de doçura esplendorosa,
E a grandeza do horizonte no infinito,
O corte de fachada portentosa
Das serras altaneiras em granito,
A força da corrente caudalosa
Dos rios percorrendo o chão bendito,
Espécies e valores consagrados,
Que pelos continentes são louvados,
3
E os homens que lutaram na esperança
De dar para terra a faculdade,
Do Cristo, repassada na lembrança,
Como de toda fé, na integridade,
De tornar-se, com plena segurança,
Pátria certa do amor e da verdade,
Eu cantando festejo com meu verso,
E anuncio sua glória no Universo.
4
Com as tintas existentes tão-somente,
E os prodígios nos livros preservados,
Por certo contarei abertamente
Os fatos que precisam ser contados,
Dos êxitos de um esforço tão pungente,
Que possam dessa forma ser louvados,
Do cimo do melhor conhecimento,
Cunhado no mais justo julgamento.
5
Devoto do valor dessa vitória,
Devida a sacrifícios mui subidos
De homens dos quais não se guardou memória,
Ou muito injustamente perseguidos
Por servos que somente contam a história
De grupos principais favorecidos
Eu cantarei, rimando em verso forte
O triunfo da aventura sobre a morte.
1Beau pays qui séduit le soleil brûlant,
Vision qui porte la vivacité de l’océan,
Couvert par le manteau exubérant
De la verdure, pays étendu sur les collines,
Qui nourrit et qui protège délicatement
La faune choisie par les déités,
Des couleurs qui dépeignent les paysages sacrés,
Les richesses et les beautés ensorceleuses,
2
Avec la flore d’une douceur resplendissante,
Et la grandeur de l’horizon dans l’infini,
La coupe de la façade prodigieuse
De hautaines montagnes granitiques,
La force du courant torrentiel
Des fleuves qui parcourent le sol béni,
Des espèces et valeurs consacrées
Qui par les continent sont louées,
3
Et les hommes qui se battirent avec l’espoir
De rendre à ce pays la disposition
Du Christ, présente dans leur esprit,
Aussi intégralement que leur foi,
Pour qu’il devienne ainsi à coup sûr
La Patrie idéale de l’amour et de la vérité,
En chantant je célèbre sa gloire avec mes vers
Et je l’annonce dans tout l’univers.
4
À l’aide des seules encres
Et des merveilles que les livres abritent,
Je raconterai assurément à tous
Les faits qui se doivent d’être racontés,
Des exploits realisés avec un tel acharnement,
Qui peuvent ainsi être loués,
Au sommet de la plus haute connaissance,
Forgée dans le jugement le plus fin.
5
Dévoué à la valeur de cette victoire,
Due à tant de sacrifices subis
Par des hommes dont le souvenir s’est perdu
Ou qui furent injustement persécutés
Par des serviteurs qui ne racontent que l’histoire
Des élites privilégiées,
Je chanterai en rimant avec véhémence
Le triomphe de l’aventure sur la mort.
(2000, p. 5-6)
Les derniers vers, “ Eu cantarei, rimando em verso forte / O triunfo da aventura sobre a morte ” (Je chanterai en rimant avec véhémence / Le triomphe de l’aventure sur la mort), annoncent le point culminant du fait héroïque, dont la caractérisation est construite sur l’opposition entre deux notions personnifiées, l’“ aventure ” et la “ mort ”. Un autre vers dans la même strophe, “ De homens dos quais não se guardou memória ” (Des hommes dont le souvenir s’est perdu) identifie un héroïsme anonyme plus conforme à la conception moderne de l’héroïsme, où la fragilité humaine est confrontée à la capacité humaine de dépassement, détenue dans l’anonymat de tous les jours.
Il est possible d’identifier un autre type de proposition dans le Romanceiro do Contestado de Stella Leonardos6, poétesse brésilienne qui est, parmi les écrivains de la littérature brésilienne, celle qui a écrit le plus grand nombre d’épopées – environ quatre douzaines de textes peuvent être étudiés comme épopées, dont certains sont appelés “ chansonniers ” et “ romans ”. Le Romanceiro do Contestado évoque la Guerre du Contestado qui a opposé les états brésiliens de Santa Catarina et de Paraná, entre 1912 et 1916.
Son épopée est précédée par deux poèmes “ Da Guerra do Contestado ” (Sur la Guerre du Contestado) et “ Anti-ode ” : il s’agit ici de ce qu’on a appelé une proposition nommée, mise en évidence, et versifiée. Le premier poème met l’accent sur le plan historique (II, 3 ; III, 1) en se référant explicitement à l’héroïsme paysan (“ caboclos ”) : “ Nos matagais de outros tempos/ sertanejos trucidados/ nos redutos em silêncio. // Nos matagais de outros tempos/ homens de armas degolados/ e esfaqueados em silêncio ” (p. 13-14 : « Dans les brousses d’autrefois/ paysans massacrés/ dans leurs refuges en silence. // Dans les brousses d’autrefois/ hommes d’armes égorgés/ et poignardés en silence »).
Le poème “ Anti-ode ” (p. 16) est une proposition assez particulière, qui met en lumière le héros (II, 2 ; III, 1), méconnu parce qu’il fut perdant :
ANTI-ODENão cantarei vencedoresque vencedores não houve,
que vencedores, se os houve,
foram caboclos vencidos
pelo armamento da fome.
Não cantarei vencedores
que vencedores não há
se há condição desigual,
que os desarmados caboclos
por força armada vencidos
armados foram de um ideal.
Não cantarei vencedores :
acaso existe vitória
se o injustiçado perdeu ?
Como negar essa glória
de morrer pelo direito
de defender o que é seu ?
Je ne chanterai pas les vainqueurscar il n’y eut pas de vainqueurs,
car les vainqueurs, s’il y en eut,
furent des paysans vaincus
par les armes de la faim.
Je ne chanterai pas les vainqueurs
car il n’y a pas de vainqueurs
tant que les forces sont inégales,
car les paysans désarmés
vaincus par la force armée
étaient armés d’un idéal.
Je ne chanterai pas les vainqueurs :
y a-t-il par hasard une victoire
quand la victime de l’injustice échoua ?
Comment nier la gloire
de mourir pour le droit
de défendre ce qui est à soi ?
L’accent est mis sur la figure du héros (b), et met en question l’opposition entre échec et succès en introduisant le critère de la justice. La matière épique de cette épopée suscite alors l’adhésion historique, à travers des voix multiples ou fragmentées, composant le patchwork qui intègre l’expérience humaine dans sa dimension existentielle. En cela, ce type de proposition s’avère très compatible avec les nouvelles fonctionnalités que l’épopée a prises dans la modernité.
L’invocation constitue une technique rhétorique traditionnelle de l’épopée, qui s’explique par la prétendue disparité entre la dimension du texte à écrire et l’inspiration dont le poète aura besoin pour accomplir sa tâche. En invoquant donc comme interlocuteur la “ muse ”, ou, dans les textes plus récents, des figures rattachées à la religion judéo-chrétienne, des muses humaines, des esprits élémentaires voire des figures symboliques, un personnage représentant le peuple, la personnification de la patrie, celle du lecteur supposé, du héros ou de l’héroïne et ainsi de suite, le poète demande de l’inspiration, de l’appui, de l’énergie et de la clarté, de manière à ce que le résultat corresponde à la matière épique ciblée.
Parce qu’elle est associée à la nécessité de préparation et d’inspiration visant à donner de la continuité à une création exigeant de l’illumination et de la persévérance, l’invocation est généralement placée en ouverture des épopées. Cependant, cela ne se fait pas toujours de manière distincte, bien que souvent l’invocation ait droit à une, voire à plusieurs strophes. Le ton d’une invocation peut être attribué au simple artifice d’un dispositif rhétorique délibérément inséré afin de rendre l’œuvre compatible avec un supposé “ modèle épique ”, tout comme il peut traduire un sentiment de désapprobation (une supplication adressée à quelqu’un) ou de contrôle, une sanction (jurons et menaces), une apostrophe (une interpellation adressée à quelqu’un), une évocation (un appel à la mémoire ou au surnaturel), la convocation, l’exaltation, la soumission, la fragilité, etc. Dans le cadre d’une analyse de l’invocation épique, il convient de se demander si le ton de l’appel a une signification dans l’arpentage de la matière épique. Maintes fois, et surtout dans les épopées modernes, l’importance de l’appel se vérifie par le besoin de réclamer, par exemple, l’adhésion de la figure invoquée à l’intention du texte, ce qui crée une espèce de “ complicité ” épique.
En partant du destinateur ou de la destinatrice de l’invocation, j’ai établi les catégories suivantes : l’invocation païenne, l’invocation judéo-chrétienne, l’invocation humaine, l’invocation de la nature, l’invocation de la patrie, l’invocation symbolique, l’invocation multi-référentielle (quand on rencontre un mélange de référents païens, chrétiens, mystiques en général et humains), la méta-invocation et l’auto-invocation.
En partant de la place de l’invocation dans le texte, je propose : l’invocation traditionnelle, insérée dès les premiers vers du poème, avant ou après l’introduction ; l’invocation mélangée à l’introduction (voire à la dédicace), de façon à ce que les vers appartiennent aussi bien à une dimension qu’à une autre sans que l’on puisse les départir ; l’invocation répétée, qui réapparaîtra au fil du poème, comme si la voix épique avait besoin, à tout moment, de s’abreuver à la source de l’inspiration ; l’invocation multiple, qui se disperse à travers le poème tout en assumant, entre autres, des destinataires divers – ce qui explique la différenciation entre une invocation répétée et de l’invocation absente.
Une autre classification part de l’analyse du contenu de l’invocation :1) L’invocation méta-textuelle, la plus commune, se réfère à un contenu concentré sur la production de la poésie. L’objectif de cette invocation, par le moyen d’un prétendu appui à l’invoqué(e), est de pouvoir prendre possession des éléments nécessaires à la composition épique, qu’ils soient de nature esthétique, référentielle, mythique, etc.
2) L’invocation de convocation se présente comme un appel aux destinataires ou aux auditeurs/auditrices à participer à la construction de la matière épique, ce qui constitue un effet rhétorique cherchant autant à rapprocher le poème qui s’écrit du lecteur collectif auquel il est destiné que, souvent, à appeler un ou plusieurs destinataires à devenir les co-auteurs de ce qui s’écrit.
Un exemple d’invocation judéo-chrétienne, traditionnelle et méta-textuelle, est A saga de Mem de Sá (1563), écrit par le jésuite José de Anchieta7 :
LIVRO PRIMEIRO./...
Tu, ó luz clara do céu sereno, tu, meu
lume sem ocaso, imagem da glória pátria,
Jesus, instrui a mente cega ; alumia de claro
raio o lume ; tu, rica fonte, donde o gozo
flui aos cidadãos da pura urbe, pelo rio pleno,
fecunda meu peito, com opulento orvalho,
e funde ondas salutares de tuas fontes vivas ;
rega a mente sedenta com o divo rio,
que eu possa lembrar os milagres da tua destra,
que, há pouco, pelo amor da gente brasileira
fez grandezas, quando do puro Olimpo os lumes
orientais brilharam, pelos Tártaros dispersos.
Toi, ô lumière nette du ciel serein, toi, monéclat éternel, image de la gloire du Père,
Jésus, instruis l’esprit aveugle ; d’un rayon éclatant fais jaillir la clarté ; toi, source riche, d’où la jouissance
ruisselle vers les citoyens de la cité pure, en un fleuve abondant,
féconde ma poitrine d’une opulente rosée,
et répands des vagues salutaires depuis tes sources vivantes ;
arrose l’esprit assoiffé avec l’eau du fleuve divin,
pour que je puisse me rappeler les miracles de ta main droite
qui, par amour des Brésiliens, il y a peu de temps,
accomplit de hauts faits lorsque les rayons orientaux
brillèrent depuis l’Olympe immaculé, par le Tartare dissipés.
(2007, p. 27)
L’invocation, dans le poème d’Anchieta, demande à Jésus d’ “ instruire ”, “ éclairer ”, “ fertiliser ”, “ fonder ” et “ arroser ” (verbes en gras dans la citation) la création poétique et/ou l’esprit du poète. Les attentes exprimées vis-à-vis de Jésus, la source d’inspiration, valorisent la puissance de la figure présumée et témoigne de l’appartenance spirituelle de l’auteur en même temps qu’elle élargit l’effet rhétorique de l’invocation.
Une autre production épique postmoderne brésilienne intéressante est As marinhas de Neide Archanjo8. Bien que l’auteur ait reçu une bourse de la Fondation Calouste Gulbenkian pour composer le poème au Portugal, il n’a pas été conduit à copier le modèle de Camões. Sa conception épique est inventive et originale.
Par exemple, la belle invocation multi-référentielle de l’épopée se trouve déplacée dans le poème, car elle est positionnée dans le “ Canto III ” (Chant III) du poème d’ouverture, “ Oceânico ” (Océanique), qui est constitué de plusieurs strophes. Deux d’entre elles sont explicitement l’invocation du poème :
A nostalgia com que vos contemploterra minha é imensa,
debruçada que estou
aqui onde a terra se acaba
e o mar começa
neste cabo avançado
cheio de uivos e tantos ventos
roca de gemidos
e ainda assim silêncios
lúmen breu trevas
em que invoco
a Senhora destes Continentes
pois me faço ao largo
onde Deus está perenemente só.
Senhora Conceição
Senhora dos Navegantes
ouvi meu apelo enclausurado
em torno destas dunas
e fazei cantar o coro de Oxum
vossas sereias
mágico lamento a me espinhar
sob a oferenda que espalhei
saudando as estrelas-guias
as ondinas e os indaiás
os calungas e os tarimás
enfunada procissão que abre agora
esta estrada de mar.
Oh, bela Uiara,
vem coberta de esperança
que preciso contornar o labirinto
e entrar no vosso reino
rosácea azul brilhante
onde há centenas de milhões de anos
fez-se a vida
onde sentada em seu mistério
a eterna mãe me espera
marinha água cintilante.
La nostalgie avec laquelle je vous contemple,mon pays, elle est immense,
lorsque je me penche
ici où la terre finit
et où la mer commence
sur ce cap proéminent
pris par les hurlements et de tels vents
rocher aux gémissements
et tout de même des silences
lumière noirceur ténèbres
dans lesquelles j’invoque
Notre Dame de ces Continents,
car je me promène vers où
Dieu se trouve perpétuellement seul.
Notre Dame de la Conception
Notre Dame des Navigateurs
entendez mon appel captifà l’entour de ces dunes
et faites chanter le cœur d’Oxum
vos sirènes
lamentation magique qui m’offense
sous l’offrande que j’ai éparpillée
en saluant les étoiles-guide
les ondines et les indaiás
les calungas et les tarimás9
hautaine procession qui ouvre maintenant
ce chemin de mer.
Ô, belle Uiara10,
viens couverte d’espoir
car je dois contourner le labyrinthe
et entrer dans votre royaume
rosacée bleu brillant
où il y a de centaines de millions d’années
la vie a été conçue
où, assise dans son mystère,
la mère éternelle m’attend
marine eau scintillante.
(1984, p. 60-61)
En composant une invocation multi-référentielle typique, ces vers prennent comme destinataires les entités mystiques de trois sources : chrétienne (Nossa Senhora da Concieção/Nossa Senhora dos Navegantes ; Notre Dame de la Conception / Notre-Dame des Navigateurs), afro-brésilienne (Oxum) et autochtone (Iara), ce qui donne à l’épopée d’Archanjo une inspiration particulière, car elle est au cœur de l’hybridité de la religion nationale. Les verbes à la forme impérative montrent la tonalité d’appel : ouvi, fazei cantar, vem (“ écoute ”, “ fais chanter ”, “ viens ”).
On peut ajouter que l’invocation du poème se trouve démultipliée, car beaucoup d’autres passages présentent l’intention même de l’“ appel ” comme dans : “ Como vos cantar cavaleiros das águas/ habitantes perenes do delírio/ marítimas criaturas ? ” (Canto III, p. 50 ; “ Comment peut-on parler de vous, chevaliers des eaux / qui habitez mes songes pour l’éternité,/ vous, maritimes créatures ? ”). Par ailleurs, du point de vue du contenu de l’invocation, nous pouvons observer dans les vers cités une dimension métatextuelle conjointe à la convocation des créatures marines mythiques dans le voyage épique qui est en train d’être écrit.
Tout comme la proposition et l’invocation, la division en chants fait partie de la structure du texte épique. Le but de cette division est compatible avec la nature même du texte épique : vaste comme il est, il réclame des pauses, et comme il se réfère souvent à de longues périodes historiques, il exige également une séparation en épisodes. Chaque “ chant ” ou “ livre ” se caractérise, depuis Homère, par une indépendance et une dépendance simultanées. Indépendance car un chant possède un sens propre ; dépendance en raison de son articulation avec la structure globale qui confère à chaque chant une place spécifique dans le développement de la matière épique.
L’évolution du genre épique et les modifications structurelles qui en découlent ont cependant généré d’autres fonctions des chants. La très grande créativité dans la conception de stratégies littéraires a ainsi redimensionné l’importance des chants, plusieurs fois rebaptisés.
Si la tradition classique n’a pas conféré aux chants une autre fonction que celle de marquer les épisodes et de rythmer la lecture ainsi que d’une certaine manière celle de soutenir la pertinence du plan narratif face au plan poétique, leur rôle a gagné en importance au fil du temps.
Pour une meilleure compréhension de cette évolution et de la survivance du format classique – même si, à côté des transgressions créatrices du modèle classique, on peut également trouver des cas de fidélité absolue au modèle homérique jusque dans la postmodernité – j’ai envisagé, dans Poemas épicos : estratégias de leitura11, quelques fonctions et formes des chants, analysant pour cela, et comme je l’avais déjà fait auparavant, la structure de quelques épopées.
Pour ce qui concerne la fonction de la division en chants, nous pouvons en distinguer cinq : la fonction épisodique et narrative, la fonction spatiale ou géographique, la fonction thématique, la fonction symbolique et la fonction hybride.
Nous pouvons enfin désigner deux types de division : la division traditionnelle et la division inventive. La division en chants peut également être inexistante, ce qui n’empêche absolument pas que l’on reconnaisse le caractère épique d’un long poème, car, comme je l’ai déjà souligné, c’est la reconnaissance de la matière épique combinée à la double instance d’énonciation qui constitue la base de l’identité épique d’un poème.
Conforme à la tradition homérique, mais aussi très influencée par la conception épique de Camões, l’épopée brésilienne Caramuru (1781) de Santa Rita Durão12, contient dix chants avec un total de 6672 décasyllabes, regroupés en huitains. La division traditionnelle a une fonction épisodique et narrative, comme le montre le fil narratif qui relie tous les parties. Les chants suivent une perspective chronologique, bien que certaines descriptions et certains souvenirs brisent la linéarité narrative. Dans l’ensemble, cependant, l’intention de l’auteur est clairement de distinguer les épisodes vécus par le Portugais Diogo/Caramuru et l’indigène Catarina/Paraguaçu. C’est ce que manifeste la référence temporelle dans les versets d’ouverture de chaque chant, à l’exception du premier, qui commence par “ De um varão em mil casos agitado ” (p. 363 ; Sur un homme troublé par mille événements), qui présente le héros ; le sixième (p. 515), qui met en scène une action du héros (“ Descansava no seio então Diogo ” ; Pendant ce temps Diogo se reposait au sein…) et le dixième (p. 629), qui décrit la réaction de Indiens à la dernière intervention de Catarina/Paraguaçu (“ Cheia de assombro a turba a dama admira ” ; La foule stupéfaite admire la dame) :
Chant |
Ouverture |
Deuxième |
“ era a hora em que o sol na grã carreira ” (p. 395 ; C’était le moment où le soleil sur son grand chemin…) |
Troisième |
“ já nos confins extremos do horizonte/Dourava o sol no ocaso rubicundo ” (p. 427 ; Déjà sur les extrémités de l’horizon vermeil/ Le soleil doré se couchait) |
Quatrième |
“ era o invasor noturno um chefe errante ” (p. 459 ; Il était l’envahisseur nocturne, un chef errant) |
Cinquième |
“ débil enquanto a luz sobre o horizonte/Os seus trêmulos raios apagavam ” (p. 489 ; Faible tandis que ses rayons tremblants/ effaçaient la lumière sur l’horizon) |
Septième |
“ era o tempo em que o sol na vasta esfera ” (p. 543 ; C’était le moment le soleil dans la grande sphère ) ; |
Huitième |
“ Três vezes tinha o sol no giro oblíquo/A carreira dos Trópicos voltado ” (p. 569 ; Le soleil avait parcouru trois fois,/ dans son évolution oblique, le chemin des Tropiques) |
Neuvième |
“ depois que o tempo torna bonançoso,/E a noite vem tranquila em branda calma ” (2008, p. 601 ; Le moment où le temps s’apaise/ Et la nuit arrive tranquillement dans un calme absolu) |
L’observation de cette stratégie structurelle confirme la fonction épisodique et narrative assumée par la division en chants de l’épopée de Santa Rita Durão et, en même temps, souligne le caractère hybride déjà mentionné du texte épique, dans lequelle le récit et le lyrique alternent dans le développement de la matière épique.
Un poème qui présente une division inventive avec une fonction spatiale ou géographique est Poema de Chile (1967) de la Chilienne Gabriela Mistral13. Structurellement, le poème est divisé en onze parties, en commençant par un discours initial (I - “ Hallazgo ”) et finissant par l’adieu (XI - “ Despedida ”).
Chacune de ces parties contient des poèmes. Au total on en compte 88. Hors de l’ouverture et de la fin, le voyage est commandé à partir d’une conception spatiale géographique, qui, dans le cours du poème, ajoute des informations historiques. Pour vérifier la fonction dans la division conçue par Mistral, on observera le tableau des contenus de chaque partie :
Partie |
Zone géographique |
II - “ Padre-disierto ” |
La région désertique |
III - “ Valle de Elqui ” |
La vallée de Elqui |
IV - “ aconcagua ” |
L’Aconcagua |
V - “ Nuestro mar ” |
La mer chilienne |
VI - “ Valle Central ” |
La Vallée Centrale |
VII - “ Donde empiecen humedades ” |
Les régions humides |
VIII - “ Araucanía ” |
L’Araucanie |
IX - “ Selva Austral ” |
La jungle sud |
X - “ Patagônia, la lejana ” |
La Patagonie |
La proposition, l’invocation et la division en chants sont aussi des parties du plan littéraire que nous aborderons maintenant.
Le plan littéraire de l’épopée englobe tout ce qui, sur le plan de la conception créatrice, révèle les stratégies auxquelles le poète a eu recours pour construire l’objet épique en question. Il convient de prendre en compte le plan historique, le plan merveilleux et la fusion des deux ; l’héroïsme, la langue, le dialogue avec la tradition épique (ou son absence) ; cela inclut également la présentation du texte en catégories comme la division en chants, l’introduction, l’invocation et la dédicace. Mais c’est également l’énonciation explicitement ou implicitement assumée par l’auteur de l’épopée qui est en jeu lorsqu’on se concentre sur le plan littéraire d’un poème épique, en raison de la densité de références culturelles d’une épopée – et cela vaut même pour celles privilégiant une focalisation régionaliste.
Dans de nombreux cas, par exemple, la création d’un poème épique poursuit un objectif patriotique et a donc tendance à effacer les événements qui pourraient interférer de façon négative avec l’image de la nation donnée par le texte. Souvent mal accueillie par la critique, la célébration nationale constitue cependant un phénomène crucial pour l’analyse si l’on veut comprendre de quelle manière la vision de la patrie a été forgée dans différentes cultures. Une œuvre que la critique a accueillie avec réserve en raison de son chauvinisme en plein modernisme brésilien est par exemple Martim Cererê (1928) du poète Cassiano Ricardo14.
Cependant, c’est en raison de leur capacité à toucher au symbolisme de l’action héroïque et aux vérités morales au principe d’une société ou d’une culture que les poètes épiques se font porte-parole d’une épopée assimilée à la société ou à la culture représentées. La problématisation des injonctions ou des paradigmes qui ont généré ce mélange peut être thématisée ou non par le texte épique. D’une certaine manière, quand cette problématisation est représentée, il est d’usage d’y reconnaître un engagement de la part du poète. Pour situer la voix narratrice, nous pouvons identifier, sur le plan littéraire de l’œuvre, une voix aliénée, une voix engagée et une voix partiellement engagée.
Toujours sur le plan littéraire, il est intéressant de regarder la structure, qui implique les éléments déjà étudiés – introduction, invocation et division en chants – ainsi que l’usage de la langue.
La tradition orale, qui est à l’origine de l’épopée elle-même et qui, entre autres, amène Cecil Bowra15 à exclure de l’épopée toutes les manifestations non-précédées d’une tradition orale, a été un facteur décisif faisant que, durant longtemps, le langage de l’épopée avait un caractère plus proche de l’oralité narrative que de la discursivité symbolique et poétique. Il y eut bien sûr toujours des innovations, comme celles de Dante lorsqu’il utilise la langue du peuple ou celles de Fernando Pessoa complexifiant le degré symbolique de son texte épique, transformant ce trait de l’oralité en marques de littérarité produites par les éléments symboliques des épopées plus actuelles.
Il est clair que des épopées comme les Lusiades qui, en leur temps, ont représenté un usage de la langue proche de l’oralité ou, pour le moins, non hermétique, nous paraissent aujourd’hui sophistiquées. Or, plus que par la langue elle-même, cette sophistication s’explique par les très nombreuses références historiques, culturelles, mythologiques, etc. que présuppose la lecture de cette œuvre. Quand un travail symbolique fondé sur la langue vient s’ajouter à cet ensemble de références, nous sommes confrontés à des œuvres encore plus hermétiques, comme c’est par exemple le cas pour O Guesa ou Latinoamérica.
Étudier le rôle de l’usage de la langue pour l’élaboration du plan littéraire demande donc de s’intéresser aux points suivants : le positionnement vis-à-vis de l’oralité, la mise en valeur d’expressions linguistiques ayant valeur culturelle, la présence d’une esthétique fondée sur les rimes, le choix du rythme, de la musicalité, etc. ; la présence de l’intertextualité et de renvois directs ou indirects à d’autres textes ; le vocabulaire.
En résumé, nous pouvons répertorier les usages suivants de la langue pour le plan littéraire d’une épopée : principalement narratif avec des traces d’oralité ; principalement poétique avec des traces d’oralité ; poétique symbolique ; hybride.
Un exemple d’utilisation inventive de la langue dans une épopée peut être reconnu dans Latinomérica (2001) du brésilien Marcus Accioly16. Seule l’observation de la structure du poème révèle l’inventivité mise en œuvre par le poète pour développer le sujet du poème épique : la formation de l’identité en Amérique Latine. Prenant les éléments d’un match de boxe pour organiser les plans historiques et merveilleux, Accioly divise le poème en 20 parties, à savoir : I, “ O árbitro ” (L’arbitre) ; II, “ O cronometrista ” (Le chronomètreur) ; III, “ A linguagem ” (Langue) ; IV, “ Os jurados ” (Les jurés) ; V, “ Os pesos ” (La pesée) ; VI, “ Os incidentes ” (Les incidents) ; VII, “ O uniforme ” (L’uniforme) ; VIII, “ As luvas ” (Les gants) ; IX, “ O ringue ” (Le ring) ; X, “ As interrupções ” (Les interruptions) ; XI, “ O recomeço ” (Le début) ; XII, “ As interrupções ” (Les interruptions) ; XIII, “ O recomeço ” (La reprise) ; XIV, “ As decisões ” (Les décisions) ; XV, “ Os segundos ” (Les secondes) ; XVI, “ As ataduras ou bandagens ” (Les bandages ou pansements) ; XVII, “ O corpo-a-corpo ” (Le corps-à-corps) ; XVIII, “ O descanso ” (Le repos) ; XIX, “ O adendo ” (Le temps supplémentaire) ; et XX, “ A decisão final ” (La décision finale).
Une compréhension complète du plan littéraire ne saurait négliger l’insertion d’événements historiques dans l’épopée. Sur ce point, la réflexion de Lucília de Almeida Neves est éclairante17 :
Analyser l’histoire à partir de son interaction avec les temps de la mémoire est une tâche complexe, car la mémoire inclut le souvenir comme l’oubli, la fragmentation comme la plénitude. À l’Histoire, qui est un processus intellectuel de construction du savoir, il incombe de récolter, dans les différentes sources de la mémoire, les éléments et les informations pouvant soutenir la reconstruction du passé avec créativité et rigueur. De cette manière, la connaissance de l’histoire a trois fonctions : réalimenter et reconstruire la mémoire sociale, raconter les faits qui se sont passés et, enfin, produire des interprétations cohérentes de ce qui, tout en appartenant au passé, appartient également au présent, puisque les empreintes essentielles des processus subsistent comme des tatouages dans la vie des communautés à travers les époques qui se succèdent.
Le fait que la poésie épique entretient un dialogue avec l’Histoire ne peut donc éclipser le fait que l’Histoire elle-même fait l’objet d’une représentation dans l’imaginaire culturel d’une société, filtrée par la mémoire qui réinsère les événements historiques dans l’espace et le temps du présent. Ainsi, on ne saurait comprendre l’élaboration littéraire du plan historique d’une épopée sans prendre en compte toutes les options dont disposait l’artiste au moment de décider quels fragments historiques il souhaitait revisiter, à partir de quel point de vue et en vue de quoi.
Pour cette raison, l’ingéniosité du plan littéraire, dont dépend l’élaboration du plan historique, déterminera la recréation de l’Histoire elle-même ou, pour le moins, une nouvelle approche des événements rencontrés dans les lectures historiques traditionnelles. En entretenant un dialogue avec l’Histoire, le poète épique définit des lignes d’empathie avec certains historiens et certaines versions des faits historiques. Lors de l’analyse d’une épopée, on n’entre donc pas en contact avec l’Histoire de façon abstraite, mais avec des versions sur lesquelles ont été fondées les lignes directives du cadre historique du poème.
Aborder le plan historique d’un poème épique signifie donc aborder les trois points suivants : les sources du cadre historique qui peuvent être explicitement ou implicitement citées ; la présentation du cadre historique, dont la perspective peut être linéaire ou fragmentée ; enfin le contenu, à prédominance historique ou géographique.
Stella Leonardos18, dans ses poèmes épiques, fait une association directe entre la référence historiographique et le texte littéraire qu’elle a créé. L’épopée Romanceiro Contestado comprend 86 poèmes de mètres divers, 78 citations, répartis sur sept parties, intitulées en majuscules (“ PELO AZUL FUGAZ ”, “ PELO CÉU DE AZUL FUGACE ”, “ PELO CÉU DE AZUL ESPARSO ”, “ PELO CÉU DE AZUL NEVOADO ”, “ PELO CÉU DE AZUL EMBALDE ”, “ PELO CÉU DE AZUL INSTÁVEL ” et “ PELO CÉU DE AZUL ESTÁVEL ”) et présente un dialogue intéressant entre la poésie et l’histoire officielle, puisque chaque poème (ou parfois paire de poèmes) au sein du poème est suivi ou précédé par les citations de nombreux auteurs.
Il est également important de considérer que, même développé de façon fragmentaire, le niveau historique dans les épopées contemporaines ne manque pas d’avoir une identité historique synthétique, qui peut être nommée par la reconnaissance de l’objectif principal de chaque œuvre. Par exemple, dans l’épopée brésilienne Nordestinados de Marcus Accioly19, l’accent historique est mis sur la sécheresse, mais celle-ci est mise en relation avec les aspects artistiques, culturels, géographiques, psychologiques et même philosophiques de la culture du Nordeste également présents de façon fragmentaire ; dans le Poema de Chile de Gabriela Mistral20, la formation de l’identité historique se développe à partir de la diversité géographique et culturelle du pays ; dans le Canto General (1950) de Pablo Neruda21, l’histoire de l’Amérique Latine est reconstituée par les innombrables fragments de dialogues avec l’Art, la géographie, la politique, la diversité culturelle, etc. ; dans Omeros (1990) de Derek Walcott22, la formation de l’identité des Caraïbes est le centre vers lequel convergent les associations symboliques entre la culture de la région et le voyage épique rapporté dans l’épopée homérique.
Le plan merveilleux peut trouver la source de ses images mythologiques dans la tradition culturelle – ainsi le personnage héroïque du Cid dans Cantar de Mio Cid, de Tiradentes dans Romanceiro da Inconfidência, celui de Cobra Norato dans le poème éponyme de Raul Bopp ou encore celui de Marília de Dirceu dans Cantares de Marília23. Dans ces cas, les images mythiques prennent leur origine dans la culture elle-même, et on peut les retrouver dans des dictionnaires de la mythologie ou du folklore, voire dans des textes critiques de nature diverse qui expliquent comment un certain épisode ou un certain personnage a pu accéder au statut culturel d’image mythique. Cette source, cependant, peut être élaborée de façon littéraire, à partir de la réécriture que le poète épique donne de la réalité culturelle envisagée et du potentiel sémantique inhérent aux images mythiques ou aux images archétypiques en tant que langages ou représentations symboliques et culturelles qui circulent dans le monde et connaissent des concrétisations particulières dans des contextes spécifiques.
Dans mon ouvrage Vozes épicas : História e Mito segundo as mulheres24 (2004), j’ai souligné que pour la création épique, on peut limiter à 18 aspects ce potentiel sémantique. Tous les aspects sont reliés à la problématique humaine et existentielle, dont les représentations ou les images archétypales ont pris et continuent à prendre les formes les plus diverses : la création, l’immortalité, la sexualité, la fécondation, l’initiation, la séduction, la rédemption, l’expansionnisme, la fondation, la prédestination, la soumission, la purification, la punition, la métamorphose ou la transformation, la transgression ou le dépassement, l’omniscience, le clivage et la misogynie. En intervenant dans le processus de fusion entre le réel et le mythique, le poète épique recourt à des images mythiques qui sont comme façonnées par la réalité envisagée et qui, symboliquement, traduisent cette réalité.
Neide Archanjo conclut son poème épique As marinhas avec les versets suivants25 :
Nunca soubemos bemcretenses
fenícios
egípcios
assírios
persas
gregos
vikings
portugueses e seus filhos
que coisa é o mar.
Nous n’avons jamais bien suCrétois
Phéniciens
Égyptiens
Assyriens
Perses
Grecs
Vikings
Portugais ainsi que leurs fils
Ce que c’est que la mer.
“ Nous n’avons jamais bien su ” la source de tous les mythes et l’origine de toutes les images mythiques dont dérive le désir incessant de “ savoir bien ”. Les images mythiques sont nées, donc, de l’imagination, de la sensibilité et de l’harmonie humaines avec le mystère qui, malgré tous les développements de la connaissance humaine, est toujours là, révélant de nouveaux visages hermétiques, de nouveaux lecteurs dans l’inconnu, de nouveaux embryons pour de nouvelles images mythiques. Et, de cette façon l’humanité accomplit son destin d’être non seulement “ logos ” mais aussi “ mythos ”, mais aussi secret.
Dans ce processus continu de quête du “ savoir bien ” vont se multiplier des histoires, comme l’épopée Nordestinados de Marcus Accioly26 :
Não sei se é lenda ou verdade,Seu moço, falo por mim,
A lenda sempre começa
Quando uma história tem fim.
Pois se a história nos conta
Que Virgulino nasceu,
A lenda logo acrescenta
Que Lampião não morreu.
Além da história e da lenda,
Existe o sonho do povo
Que entre o que houve e não houve
Inventa tudo de novo.
Por isso a lenda é mais certa
Do que o sonho e a história,
Pois Lampião anda vivo
Dentro de cada memória.
Je ne sais pas si c’est vérité ou légende,Mais, cher Monsieur, je peux vous assurer
Que toujours la légende commence
au-delà de ce que conte l’histoire.
Car si l’histoire nous raconte
La naissance de Virgulino,
La légende ajoute
Que Lampião n’est pas mort.
Par delà histoire et légende
il y a les rêves d’un peuple
qui entre ce qui fut et ce qui ne fut pas
réinvente tout à nouveau.
Aussi la légende est-elle plus assurée
que le rêve et l’histoire
car Lampião demeure vivant
dans la mémoire de chacun.
Le “ peuple ” confirme que l’image mythique de Virgulino/Lampião27 reste aussi vivante et mystérieuse que la mer pour les Crétois, les Phéniciens et même les Portugais et leurs enfants. De ce processus continu et enchaîné de transmission des images mythiques émerge une couche en même temps immatérielle. Parce qu’elle est mystère et matérielle – parce que le mystère est représenté par des images mythiques ; des formes et des contenus plus variés – nous pouvons la traduire au moyen du terme “ epos ”. D’où le fait que les épopées, comme porteurs de cet “ epos ”, sont manifestations discursives directement liées à la capacité humaine à traduire ce “ ne savoir pas bien ” dans des images, des symboles, des histoires, des légendes, des croyances, des rituels, des cultes, des prophéties, etc.
La catégorie de l’héroïsme épique, qui intègre les cadres historiques et merveilleux, fait également partie de la composition du plan littéraire. Cependant, l’observation du mode dans lequel l’héroïsme est traité au sein des épopées m’a amenée à définir plusieurs catégories critiques permettant de vérifier les aspects et les formes d’actualisation que l’on peut distinguer dans la production épique.
La figure du héros épique n’a pas échappé aux transformations que les concepts de l’héroïsme et de l’identité ont connues au fil du temps. Et cela se note parfaitement dans les profils héroïques que l’on peut repérer dans l’histoire universelle de l’épopée. Une lecture critique de ce parcours qui se focalise sur l’héroïsme relève facilement les modifications dans la composition des profils et des actions héroïques.
Dans sa conception la plus récente, l’action héroïque suppose un déplacement spatial, une prédisposition et une capacité d’action en dehors des “ lieux saints ”, en dehors de la dimension confortable du “ foyer ” et donc, au contraire, une pénétration de l’espace inconnu de la “ forêt sombre ”. Les actions situées dans un espace physique inconnu ont accentué le caractère nomade et l’originalité des exploits héroïques.
Dès les premières épopées, les figures de héros et d’héroïnes épiques se sont ainsi révélées être des sujets en déplacement auxquels était donnée la faculté de circuler entre les cadres historiques et merveilleux, agissant dans les deux cadres de façon à agencer le fait et le mythe.
En traversant les dimensions réelles et mythiques de l’être, le sujet épique représenté dans une épopée vit une expérience enrichissante qui le projette simultanément dans le national et l’universel, dans le plan des injonctions historiques et culturelles et dans celui des injonctions mythiques et symboliques, une expérience qui, en fin de compte, lui donne accès à la conquête symbolique (parce que littéraire) d’une individualité.
Si le sujet épique concerne un individu, il convient cependant de prendre en compte les limites historiques et culturelles d’une compréhension du terme même d’individualité, car c’est en raison des nombreux changements qu’ont connus les sociétés humaines que nous arrivons à des concepts (et des réalités) comme la fragmentation et la mort du sujet.
Tous ces changements ont ouvert un espace permettant à la question de l’individualité d’être repensée et, par conséquent, à l’action héroïque de gagner de nouveaux contours. L’héroïsme a cessé d’avoir une pertinence uniquement sur le plan de l’Histoire en tant que succession d’événements extraordinaires ; il a fini par accéder au quotidien anonyme de l’histoire privée, au fur et à mesure que les actions du sujet héroïque gagnaient la capacité d’affronter la nouvelle réalité humaine et existentielle du monde.
La représentation collective que l’être en déplacement possède caractérise parfaitement l’inscription du sujet épique, attaché au déplacement – spatial, temporel et même mental ou symbolique, selon l’époque à laquelle appartient l’épopée – et c’est pour cette raison que l’“ immobilisme ” rend impossible l’action épique héroïque. Ce que l’on peut observer à l’époque contemporaine, c’est que les femmes et les esclaves ne sont plus, comme cela a été le cas jusqu’au xixe siècle, des sujets condamnés à l’immobilisme, mais cette condamnation reste fortement liée à l’inaccessibilité qu’éprouvent de nombreux peuples et groupes sociaux face aux technologies hiérarchisant le monde.
Quand on parle des conditions actuelles, il faut aussi rappeler que la catégorie de l’“ individu ” n’existe plus (si tant est qu’elle ait jamais réellement existé) comme une unité psychologiquement ou socialement stable. L’idée de l’individu est aujourd’hui celle d’un être multiple, renfermant plusieurs pouvoirs d’être ou de ne pas être, qui se réalisent à partir d’expériences également multiples et fragmentées. La multiplicité du sujet n’est donc pas une impossibilité de l’identité, mais une nouvelle façon de comprendre l’identité. De ces réflexions, j’ai dérivé le concept du sujet culturel hybride, soit un sujet multi-fragmenté, non seulement en termes d’identité psychologique, mais aussi selon les conditions culturelles qui, tout au long de la vie, permettent la construction d’une identité culturelle à l’ère de la globalisation.
Pour ce qui concerne l’héroïsme épique, ce que l’on peut noter, c’est qu’en général il revient au sujet d’engager le mouvement du changement pour entrer dans un processus d’adaptation à la nouvelle situation conquise. Cette réalisation ou ce “ fait ”, pour employer un terme plus en phase avec la théorie épique, ne possède plus nécessairement de nos jours un caractère guerrier ou une conception de déplacements effectifs dans l’espace. Au contraire, on peut désormais rencontrer le dépassement de soi, la transformation et d’autres catégories sémantiques liées aux images mythiques construisant l’héroïsme dans les confrontations quotidiennes.
Ainsi, les faits quotidiens finissent par être considérés comme des objets permettant de réfléchir à des catégories comme l’identité, la différence, la survivance, les relations symboliques du pouvoir, etc.
Si l’on excepte le cas de faux quotidiens exposés dans des vitrines, la vie humaine, même restreinte à un espace limité dans lequel l’instinct migratoire ne s’exerce pas réellement, peut également être représentée de façon archétypale ou symbolique à condition qu’on lui attache des valeurs représentant des affrontements tout aussi violents et significatifs que ceux que la tradition a attribués à l’héroïsme du déplacement.
La construction de l’héroïsme dans l’épopée dépendra d’un côté de certaines circonstances historiques et mythiques et de l’autre d’options prises par le poète, options auxquelles se référera la conception du plan littéraire de son poème. Dans l’écriture épique actuelle, les interventions créatrices des poètes donnent à la caractérisation héroïque une dimension symbolique, mais celle-ci ne les dispense pas de porter de nouveaux regards sur la question de l’héroïsme.
Le premier volume de História da epopeia brasileira fait allusion entre autres à des classifications comme le héros épique classique, le héros épique de la Renaissance, le héros épique moderne. Il souhaitait ainsi apporter une méthodologie permettant de saisir les transformations du profil du héros et de l’héroïne dans l’évolution du discours épique. Étant donné la nature très synthétique de la présente approche, je me limiterai ici à quelques points qui m’ont permis de saisir combien la structure d’une épopée peut varier du point de vue de la présentation, du développement, de la mise en place et de la caractérisation de l’héroïsme.
Le premier point se réfère à la manière dont l’héroïsme est initialement caractérisé dans l’épopée. Ainsi, nous distinguons : l’héroïsme historique individuel, l’héroïsme mythique individuel, l’héroïsme historique collectif, l’héroïsme mythique collectif, l’héroïsme hybride historique et l’héroïsme hybride mythique. Une telle classification obéit à l’idée que l’identité héroïque, individuelle et collective, dans sa présentation ou insertion dans une épopée, part soit du plan historique, soit du plan merveilleux.
Ainsi, le premier cas considère les épopées dans lesquelles une héroïne ou un héros individuel est d’abord regardé/e à partir de son inscription dans le cadre historique ; le second cas considère les épopées dans lesquelles la focalisation part de l’inscription du héros ou de l’héroïne dans le cadre merveilleux ; le troisième, des épopées dans lesquelles le premier plan est historique, tandis que le héros est collectif ; le quatrième, des poèmes épiques présentant un héroïsme collectif vu à partir de son inscription dans le cadre merveilleux ; le cinquième, des poèmes épiques valorisant d’abord le cadre historique duquel ils détachent aussi bien les héros individuels que les héros anonymes ; et enfin, le sixième, des épopées d’abord centrées sur le cadre merveilleux qui intègre aussi bien les héros individuels que les héros anonymes.
Une fois que le héros, individuel ou collectif, circule à travers les cadres historiques et merveilleux, le second aspect fait référence au parcours héroïque : en partant du plan historique vers le plan merveilleux, du plan merveilleux vers le plan historique, parcours alternant, parcours simultané et parcours cyclique. Le parcours épique héroïque sera clairement relié à la façon dont la figure héroïque se déplace à travers les espaces représentant les cadres historiques et merveilleux.
Quant à l’action héroïque, le troisième aspect, il est intéressant de se demander si celle-ci est directement liée à des faits guerriers et/ou politiques, à de pures aventures, à des faits de rédemption, des faits artistiques, des faits du quotidien, des faits allégoriques ou des faits hybrides. Cette classification prend en compte l’action héroïque en termes généraux. Ensuite, bien évidemment, les actions héroïques d’une épopée pourront comporter toutes ou certaines des catégories. Cependant, j’appelle seulement faits hybrides les actions dans lesquelles on constate un équilibre clair entre tous les faits nommés plus haut. Dès lors que l’une des actions se distingue ou constitue la base d’une classification des faits sous l’angle de l’héroïsme épique, celle-ci sera utilisée pour caractériser l’action épique entière.
Je conclus en affirmant que toutes ces sous-catégories poursuivent le même objectif général méthodologique qui est d’offrir aux lecteurs s’intéressant à la production épique un outil permettant une lecture plus adaptée à l’épopée en tant que genre autonome, avec ses caractéristiques propres. Il existe bien évidemment aussi des formes hybrides tout aussi passionnantes, surtout si l’on veut comprendre une autre question très contemporaine, celle de l’hybridité des genres littéraires. Mais cette méthodologie peut également être utile pour aborder les formes hybrides, notamment pour révéler des aspects qui nous permettent de reconnaître dans certaines productions littéraires des “ empreintes ” de l’épopée.
1 Christina Ramalho, Poemas épicos : estratégias de leitura, Rio de Janeiro : UAPÊ, 2013. Le présent article est traduit du portugais par Charlotte Krauss; les traductions des poèmes sont de Marcio Bezerra et, pour deux d’entre eux, de Jean-Pierre Martin.
2 Anazildo Vasconcelos da Silva, “ Semiotização literária do discurso. ” Rio de Janeiro, 1984 ; A. V. da Silva, C. Ramalho, História da epopeia brasileira, Rio de Janeiro, 2007.
3 Aristote, Poétique, trad. et notes de M. Magnien, Paris, Le Livre de Poche, 1990 ; C.M. Bowra, Heroic Poetry, London, 1952 ; E. Staiger, Les Concepts fondamentaux de la poétique [Die Grundbegriffe der Poetik, 1946], Bruxelles, 1990.
4 Francisco de Mello Franco, Os Brasis [Les Brésils], Rio de Janeiro, 2000, p. 5-6.
5 Note de l’éditeur : nous corrigeons visita, qui fausse le vers.
6 Stella Leonardos, Romanceiro do Contestado, Editora da UFSC, 1996, p. 13-14 et 16.
7 José de Anchietta, A saga de Mem de Sá (De Gestis Mendi de Saa), João Pessoa : Ed. Universitária UFPB / Zarinha Centro de Cultura, 2007, p. 27.
8 Neide Archanjo, As marinhas, Rio de Janeiro, 1984, p. 60-61.
9 Dans l’umbanda, religion afrodescendante et profondément synchrétique, les ondines, les indaiás, les calungas et les tarimás font partie de l’hiérarchie des esprits qui agissent en tant qu’intermédiaires entre les dieux et leurs dévots. Les trois légions citées correspondent à la déesse des mers, Yémanja.
10 Empruntée à la mythologie amérindienne, Uiara ou Iara est une sirène qui vit dans les eaux de l’Amazone.
11 C. Ramalho, Poemas épicos, op. cit.
12 Frei José de Santa Rita Durão, “ Caramuru ”, Multiclássicos épicos, I. Teixeira (dir.), São Paulo, EDUSP, 2008.
13 Gabriela Mistral, Poema de Chile, Santiago de Chile, 1997.
14 Cassiano Ricardo, Martim Cererê, Rio de Janeiro, 1974.
15 Cecil Maurice Bowra, Heroic Poetry, London, 1952.
16 Marcus Moraes Accioly, Latinomérica, Rio de Janeiro, 2001.
17 Lucília de Almeida Neves, “ Dívida de gratidão : poder e imaginário ”, Os deuses e os monstros, Euclides Guimarães et al. (dir.), Belo Horizonte, Autêntica, 2001, p. 11-24.
18 Stella Leonardos, Romanceiro do Contestado. Florianópolis, 1996.
19 M. M. Accioly, Nordestinados, Rio de Janeiro, 1978.
20 G. Mistral, Poema de Chile, op. cit.
21 Pablo Neruda, Canto general. Prol. et chronol. de F. Alegria, Caracas, 1976.
22 Derek Walcott, Omeros, New York, 1990.
23 Teresa Cristina Meireles de Oliveira, Cantares de Marília, São Paulo, 1998.
24 C. Ramalho, Vozes épicas : história e mito segundo as mulheres, Rio de Janeiro, 2004 (thèse de doctorat).
25 Neide Archanjo, As marinhas, Rio de Janeiro, 1984, p. 147.
26 M. M. Accioly, Nordestinados, Rio de Janeiro, 1978, p. 119.
27 Lampião, de son véritable nom Virgulino, était une sorte de Robin des Bois du sertão, à la fois criminel sanguinaire et héros populaire parce qu’il pouvait venir en aide aux pauvres. Il a fait l’objet de poèmes populaires vendus sur les marchés [Note des éditeurs].
Christina Ramalho, «Poèmes épiques brésiliens : stratégies de lecture», Le Recueil Ouvert [En ligne], mis à jour le : 13/09/2016, URL : http://epopee.elan-numerique.fr/volume_2015_article_193-poemes-epiques-bresiliens-strategies-de-lecture.html